29 août 2015 20h28
modifiée
29 août 2015 20h34

Segel
Petits gestes, grande arnaque

La Décroissance
Édition spécial juillet-août 2015

Dossier international « Le progrès m'a tuer »

Petits gestes, grande arnaque
Par Moins, journal suisse de la décroissance

Sale temps pour les oracles.
Autrefois passerelles entre le divin et l'humain, ils ont aujourd'hui été remplacés par des ordinateurs et des moteurs de recherche. Bien dans l'air du temps, la ville de Fribourg (Suisse) a accueilli en 2014 « L'Oracle du Papillon », une grande exposition interactive et « durable ». À grand renfort d'écrans de toute sorte, elle aura abreuvé d'une multitude de chiffres et de données sur la crise écologique mondiale presque cent mille visiteurs, parmi lesquels un grand nombre d'élèves romands. le but ? Sensibiliser le public à l'impact des « petits gestes quotidiens » qui, multipliés par 7 milliards, seraient en mesure de réduire les émissions de CO2 et de conjurer le changement climatique « dans le plaisir, sans prise de tête ni culpabilisation(l) », comme le clament les concepteurs, Gilles 8ersier et Pascal Edelmann de la fondation « Petite cause, grands effets ». À quoi bon repenser notre mode de vie quand il suffit d'éteindre la lumière en quittant une pièce, programmer son lave-vaisselle en mode « éco » ou opter pour le dernier modèle de voiture « propre » ? Inspirés par l'adage qui veut qu'un battement d'ailes de papillon peut engendrer une tornade aux antipodes, les deux organisateurs portent ainsi aux nues le principe de l'agrégation des comportements vertueux, l'un des mantras du développement durable et ... des théories néolibérales, selon lesquelles la société n'existe tout bonnement pas.

Le parcours de l'exposition, qui aura coûté un million de francs, dont une partie de financement public, s'achève en apothéose lorsqu'on franchit le seuil du Solution Center, « une vitrine en réalité augmentée des technologies, produits et services durables dans les domaines de l'habitat, de l'énergie, de la consommation et de la mobilité. » Les visiteurs, sommés de « devenir des acteurs du changement », reçoivent une tablette qui permet d'interagir avec l'une des nombreuses bornes proposant des mesures pour sauver la planète. Ainsi, si vous pensez qu'il est important de toujours vérifier que les pneus de votre voiture sont bien gonflés, vous pouvez scanner le code QR disponible à la borne sponsorisée par Michelin : votre tablette vous communiquera la quantité de CO2 ainsi épargnée. Simple et efficace, à l'instar des 39 autres mesures suggérées grâce à l'aimable soutien de quelques sponsors privés. C'est ce que les organisateurs appellent « the power of one », notre seule possibilité pour un avenir meilleur. « Ou alors, précise Pascal Edelmann lors d'une inoubliable visite guidée, on peut faire comme en Corée du Nord, pays au bilan écologique enviable : c'est moi qui commande, et vous faites ce que je dis. » Nul n'ignore en effet qu'entre l'illusion de la toute-puissance individuelle et les délires d'une dictature mortifère, il ne peut y avoir de moyen terme : ce serait déjà s'aventurer dans la dimension politique de l'agir.

Postuler l'existence: de responsabilités collectives, comme celles des entreprises et des gouvernements ? Idéologique(2) ! Introduire une distinction entre M. Bersier, l'ouvrière textile chinoise et le réfugié érythréen ? Culpabilisant ! Suggérer que notre mode de vie n'est pas généralisable et qu'il faut donc le refonder ? Moralisateur ! Les consignes de l'expo sont claires : pas-de-prise-de-tête ! Ce qui compte, par-dessus tout, c'est que le visiteur puisse se sentir acteur -quitte à se découvrir par la suite protagoniste d'une farce qui simplifie de manière caricaturale les interactions sociales et réduit la question des responsabilités de façon que le problème reste « à portée de tous ». La technologie se chargera du reste, et les papillons pourront continuer de voler la conscience légère.

Qu'il s'agisse de papillons ou de gentils colibris, l'exposition fribourgeoise est emblématique d'une approche particulièrement pernicieuse de l'écologie, qui rencontre sans surprise la faveur des médias dominants – et ce, bien au-delà des frontières nationales. La glorification des « petits gestes » et « des réflexes verts » relève au mieux d'une forme de naïveté aiguë, au pire d'une vision atomisée de la société qui, loin d'en remettre en cause les logiques, s'y inscrit confortablement. Harald Welzer dénonce ce travers avec brio dans 'Les guerres du climat' : « Non seulement il y a une disproportion grotesque entre ce genre de propositions et l'ampleur du problème auquel on est confronté, mais elles réduisent radicalement le niveau de complexité des responsabilités et des obligations liées au changement climatique, en individualisant celles-ci. L'idée fausse, mais facile à suggérer, selon laquelle les changements sociaux commencent dans les petites choses devient une idéologie lorsqu'elle exempte de leurs obligations les acteurs corporatifs et politiques, et elle devient irresponsable lorsqu'elle prétend qu'on peut s'attaquer […] par des précautions prises individuellement à des problèmes qui son dus au principe de la croissance économique par exploitation des ressources(3). »

Si ces hymnes à la responsabilité individuelle rencontrent autant de succès, c'est parce qu'ils surviennent dans un contexte largement dépolitisé. Autrefois porteuse de revendications authentiquement radicales, visant à changer la société à partir de ses racines, l'écologie politique actuelle ou ce qu'il en reste -a fait les frais d'au moins deux décennies de politiques « durabilistes ». Sans avoir la prétention de retracer l'histoire d'un concept en quelques lignes", signalons simplement qu'avec l'émergence de la chimère du développement durable et son adoption enthousiaste par l'ensemble des institutions, la plupart des discours écologistes ont progressivement été vidés de tout contenu subversif. Personne ne s'étonne aujourd'hui, en Suisse, qu'il puisse exister un parti nommé « Verts'libéraux » - même pas les Verts « classiques » qui, fidèles à la ligne « pragmatique » de la nouvelle génération d'élus, s'allient régulièrement à leurs cousins sans avoir l'impression de commettre aucun acte contre… nature. Au contraire, la tendance est plutôt à saluer ces grands pactes écologiques: les bonnes âmes appellent l'humanité à dépasser ses divisions, à redécouvrir un sens d'appartenance commun pour « sauver la planète » avant qu'il ne soit trop tard.

Digne héritier de Nicolas Hulot, Bertrand Piccard et son joujou hi-tech Solar Impulse incarnent on ne peut mieux cet appel à l'union sacrée. Véritable héros national, le Suisse volant n'est qu'en apparence le paladin du développement des énergies renouvelables ou de l'immense potentiel du solaire. La vraie raison de son incroyable succès médiatique est l'habileté avec laquelle il vend aux spectateurs éblouis l'illusion que l'on pourra continuer indéfiniment de vivre comme nous le faisons aujourd'hui, par le truchement d'innovations technologiques qui viendront toujours à notre secours. Ce qu'il propose dans les airs est, en fait, un gigantesque spot publicitaire pour le rejet des limites et, à la fois, de toute forme de clivage social Que l'on soit patron ou femme de ménage, riche ou pauvre, habitant du Nord ou du Sud, nous serions toutes et tous à bord d'un même bateau, partageant les mêmes responsabilités et les mêmes aspirations consuméristes. Or, les quelques scènes de naufrage auxquelles il nous a été donné d'assister nous montrent qu'un bateau ne prend jamais l'eau simultanément à la proue et à la poupe : des centaines de milliers de personnes se noient déjà, au propre comme au figuré, à cause de nos modes de vie.

À la nécessité d'analyser toute domination de manière intersectionnelle, prenant en compte les variables de race, de classe et de genre, Razmig Keucheyan(5) propose ainsi d'ajouter une quatrième dimension : la nature. Les inégalités écologiques existantes, conçues à la fois en tant qu'inégalités d'accès aux ressources (l'eau, la terre, l'énergie, l'air propre ...) et d'exposition aux risques et pollutions (érosion des sols, épidémies, dissémination d'OGM...), témoignent déjà d'une manière difficilement contestable qu'il est temps d'arrêter de considérer la nature comme externe aux rapports sociaux. Au Nord comme au Sud, dans nos sociétés matériellement riches comme dans les pays que notre système économique a réduits à la misère, l'une des premières actions à entreprendre, individuellement aussi bien que collectivement, est peut-être alors celle de déconstruire ces discours consensuels, qui dépolitisent les enjeux écologiques et occultent, de fait, l'existence d'intérêts divergents. Qu'une telle conscience écologique de classe puisse voir le jour en Suisse, l'un des pays les plus nantis du monde, où même les classes exploitées participent largement, à l'échelle planétaire, à l'exploitation d'autres travailleurs, n'est pas le moindre des défis que les objecteurs de croissance ont à relever. Dans l'espoir de pouvoir un jour donner raison à Hölderlin, quand il affirme que « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve »…

(1) - La Liberté, 8 mars 2014
(2) - … et suicidaire : où trouver ensuite le pognon pour financer une telle exposition ?!
(3) – Harald Welzer, 'Les Guerres du climat', Gallimard, 2012.
(4) – D'autres s'en sont chargés avec efficacité : cf. notamment Romain Felli, 'Les deux âmes de l'écologie', L'Harmattan, 2008.
(5) – Razmig Keucheyan, 'La nature est un champ de bataille.' La découverte/Zones, 2014.

29 août 2015 22h02
modifiée
29 août 2015 23h14

Jean
Bien sûr on ne parle pas des petits gestes publicitaires des multinationales ou même de nos agriculteurs et éleveurs qui cherchent en permanence de nous faire consommer le double ou plus de nos vrais besoins

Tiens nous devrions réclamer une loi, une seul pour le moment : l'obligation de garantir tous les produits courant, tous, à 5 ans le gros électroménager voitures et autres à 10 ans et les maisons porter la garantie décennale à 100 ans

Plus de gaspillage du aux objets qui cassent 8 jour après les avoir acheter. Les prix doubleraient ? et alors? on en achèterait 4 fois moins.

Ah! les chômeurs, pardon j'm'a trompé c'est la faute aux chômeurs le gaspillage

(Amis chômeurs c'est du 2eme degré rassurez-vous)

L'article de Pépé le Moko sur l'art de manger plusieurs fois le même légume me rappel l'époque où je disait qu'il faudrait faire des jardins potager autour des hlm comme il existait des jardins ouvrier après guerre

On devrait faire des villes avec des jardins potagers obligatoires, 3 à 6 m² pour chaque logement, sur le toit, sur des balcons aménagés à chaque étage, sur le square... enfin merde c'est notre qualité de vie.

30 août 2015 14h08

Tinou70
À quoi bon repenser notre mode de vie quand il suffit d'éteindre la lumière en quittant une pièce, programmer son lave-vaisselle en mode « éco » ou opter pour le dernier modèle de voiture « propre » ? Inspirés par l'adage qui veut qu'un battement d'ailes de papillon peut engendrer une tornade aux antipodes

Toujours fait donc j'ai pas a repenser, j'ai bon ? J'vais te dire pourquoi ils veulent qu'on "repense" : Vous le faisiez, ben vous continuez mais ça vous coûtera plus cher puisque tout le monde ne le faisait pas, ici je payais 40 €/an pour 1 personne sans trier, maintenant :
- Je trie
- J'isole les emballages, les bouteilles plastoques, les pubs papier (abondantes)
- Je sélectionne le reste entre possibilités compost ou papiers et débris divers autres que lignE ci-dessus
Il ne reste pas grand-chose, normal et de ce fait j'ai une poubelle "ménagère" tous les trois mois et ben on me facture un passage forfaitaire tous les mois que je paye d'avance (illégal pour un impôt !!!!! )
- J'n'ai pas parlé de "verre"... Faut prendre sa bagnole, aller au container déchetterie donc frais d'essence supp'

Résultat :
1. Je trie
2. Que j'ai une poubelle (ménagère) ou pas je serais facturée
3. J'ai des frais supp' pour les déchets non enlevés (verre !)
4. Facturation forfaitaire semestrielle d'avance qui se monte au minimum de € 43 (pour mémoire : sans tri je payais € 20/6 mois soit € 23/6 mois d'augmentation)
5. Naturelish j'me suis renseignée pour savoir le pourquoi des 6 mois d'avance en appuyant mon argument par "Si je suis morte et que j'ai payé un impôt d'avance que se passe-t'il ?" tranquillos l'intellectuel du bout du fil m'a répondue "On vous remboursera !!!!!"

A ce niveau on ne réplique pas, c'est totalement interdit !!!!!!!!!!

A nettement plus, suis épuisée, je consulte depuis 15 jours mais trop crevée pour répondre régulièrement ... Je pense à vous, hein ?

30 août 2015 19h44

Lili ...
C'est chouette les jardins ouvriers ... mais avec le nombre de voitures maintenant, les légumes plein de métaux lourds, c'est quand même pas l'idéal.

30 août 2015 19h50

Lili ...
On n'aura pas le choix de passer à un autre modèle :
Vidéo YouTube

1er septembre 2015 01h31

Mag
Jean Quelques villes françaises dont Paris (timidement) ont déjà adopté le concept des Incroyable Comestibles lancés par un village britannique qui est de mettre à disposition des espaces où les citoyens plantent des légumes mais peuvent aussi se servir gratuitement des récoltes. On en avait déjà parlé ici, le village qui a lancé l'idée est même devenu presque auto suffisant si je me souviens bien. Sur Campagnes tv que je regarde souvent il y a quelques initiatives ici et là en milieu urbain avec des potagers sur des toits d'entreprise et des potagers dans des cités de banlieues.Mais c'est clair qu'avec la pollution c'est pas encore le top.

1er septembre 2015 13h59

Lili ...
J'savais pas que Vauban avait fait pour le prolo.
Je le pensais uniquement occupé à sauvegarder les intérêts de l'ordre.

1er septembre 2015 20h08
modifiée
1er septembre 2015 20h43

Jean
La seule chose que je sais de Vauban c'est qu'il était super doué pour fabriquer des forts imprenables et pour prendre ces mêmes forts imprenables

Il a inventé un truc génial pour réduire le nombre de morts lorsqu'on construisait une tranchée pour aller aux fortifications du fort ennemi et les faire sauter avec des tonneaux de poudre, il a fait construire les tranchées non pas en ligne droite vers le mur du fort mais en zig zag. En effet quand l'ennemi approchait des murs les défenseurs du fort faisaient une sortie sautaient dans la tranchée et tuaient tous les travailleurs qui s'y trouvaient qui s'enfuyaient mais se faisaient tirer comme des lapins sur une longue ligne droite. Avec les zig zag ils pouvaient aller se cacher au premier virage et les attaquant arrivaient pour les défendre.

Sacré Zorro heu non Vauban

heu les zhumains ne sont jamais tout blanc ou tout noir sauf au cinéma

2 septembre 2015 11h22

Segel
Mais ils font quoi au juste pour les pauvres les employés, les ouvriers, les profs, les chômeurs, les gens au RSA, les SDF, les réfugiés de Calais, etc... ?

Voyez vous où mène l'hypocrisie de ceux qui pointent du doigt vers l'action individuelle ?
Ce sont les ennemis de l'action collective en fait.

Ils font le même diagnostic dans le domaine de l'environnement, quand ils critiquent par exemple le fait que José Bové aille à Strabourg autrement qu'en vélo ...

Quel est leur but ?

2 septembre 2015 12h22

Tinou70
Ils font le même diagnostic dans le domaine de l'environnement, quand ils critiquent par exemple le fait que José Bové aille à Strabourg autrement qu'en vélo ...

Quel est leur but ?


Comment déterminer le but alors qu'on ne sait pas comment il y va ?

2 septembre 2015 20h53

Jean
Tinou70 Segel
Comment m'avez vous démasqué ? Je suis le petit fils caché d'Hitler et ma mère est l'arrière petite fille de Staline née du petit fils de Staline et de la fille de Mao

Cultivez bien la haine de l'autre, Les Morgan, Goldman, Rothschild, Draghy et les Sachs en pissent dans leur froc tellement ils se marrent.

2 septembre 2015 23h17

Segel
Je ne cultive pas la haine de l'autre Jean bien au contraire.
Sache que ce sont précisément ces gens, les grands banquiers, qui sont les principaux défenseurs de ce libéralisme dévoyé, qui mène à l'atomisation de la société, et de ce fait à la perte de toute "conscience collective".

Conscience collective.

Oui, j'ose ce gros mot.
Et toute la discussion ne parle que de ça.
A opposer aux petits gestes individuels qui donnent bonne conscience.

4 septembre 2015 01h35

Mag
Valery les pouces verts, pas encore tout à fait, j'apprends.

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