13 décembre 2011 23h08

Djabali
la lettre de démission que j'avais écrite en quittant l'Égypte, je la savoure encore de temps en temps

TUIS TE PINGAM COLORIBUS [le propos du courriel, en latin ça veut dire quelque chose comme : je vais te dire tes quatre vérités]

Monsieur,

Lors de notre entretien à Paris, en mars 2004, je vous avais prévenu : tant que je n'aurai pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. Vous insistiez sur l'importance de ne pas partir en cours d'année, je vous en avais assuré en y mettant cette unique condition. De par mon éducation et mon expérience personnelle je règle mon existence sur une série de principes auxquels je ne déroge JAMAIS. Je vous avais alors prévenu : tant que je n'aurais pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. Votre (lourde) insistance sur ce point m'avait déjà mis la puce à l'oreille : un tel besoin d'assurance cache forcément quelque chose. J'ai heureusement découvert les raisons de votre inquiétude en venant en " stage " en avril 2004 ; c'était bien le seul intérêt de ce déplacement, que vous auriez d'ailleurs dû prendre en charge. J'ai appris, de l'expérience de tous ceux qui sont partis jusqu'à présent, personnes souvent très motivées et de la bonne foi desquelles vous avez largement abusé, que lorsque vous ne parvenez pas à manipuler quelqu'un, vous ne reculez ni devant l'extorsion ni devant les menaces. Menaces vides de sens : vous violez la loi en employant des dizaines de personnes de manière illégale [l'école ne nous fournissait pas le visa de travail] ce qui vous oblige à jouer à cache-cache avec les représentants de la loi, au pire à les corrompre. Non content de tromper la bonne foi d'honnêtes gens, vous vous plaisez à donner des leçons de morale, quand vous enfreignez deux commandements fondamentaux : tu ne mentiras point, tu ne voleras point. Vous ne craignez ni Dieu ni les hommes, libre à vous. Vous dirigez vos affaires comme vous l'entendez, je dirige ma vie comme je l'entends. Je vous avais prévenu : tant que je n'aurais pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. Notre dernier entretien, le jeudi 13 janvier, était proprement hallucinant et j'ai commencé à envisager ma situation d'un œil différent. Je revoyais le brave Galilée, tentant désespérément d'expliquer aux scientifiques éminences de l'Inquisition, religieux aussi stupides que gonflés d'orgueil, que la terre tournait autour du soleil et je me sentais solidaire. Je ne reviendrai pas sur cette absurde coupure de la lune en deux, rien que d'en débattre à nouveau me rendrait ridicule [j'avais reçu une sorte de blâme parce que j'avais affirmé devant les élèves, suite à la question de l'un d'entre eux, que Dieu n'avait pas coupé la Lune en deux avant de recoller les deux morceaux]. De plus, Monsieur, si vous souhaitez éviter vous aussi le ridicule, laissez la philologie et la critique des textes anciens à ceux dont c'est la spécialité et retournez à votre étude d'architecte. Après tout, je ne vous donne pas de leçons sur la façon de concevoir un bâtiment. Un peu d'humilité tout de même, vous ne pouvez pas maîtriser tous les domaines du savoir. Mais d'humilité, je crois que vous en êtes autant dépourvu que ces gourous abjects qui abusent de la crédulité des âmes simples pour pouvoir flatter un orgueil démesuré. Les membres de votre secte tremblent quand vous froncez vos sourcils, quand votre bouche contractée s'apprête à leur faire un reproche, moi pas. Dieu merci, j'ai rencontré avant de vous connaître des musulmans honnêtes et sincères, sachant allier humanisme et piété, foi et rationalisme. Sinon quelle impression aurais-je reçu de l'islam !

Je vous avais bien prévenu : tant que je n'aurai pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. Vous êtes libre de penser ce qui vous fait plaisir, en revanche, lorsque vous traitez avec d'autres personnes, vous ne disposez que de la liberté que ces personnes vous autorisent à prendre avec elles. Or là, vous faites preuve d'une méconnaissance profonde de la nature humaine ; c'est un défaut gênant pour un chef d'entreprise, mais comme les faits le montrent assez, vous n'en êtes pas à votre première déconvenue, ce qui ne semble pas devoir vous inciter à modifier votre attitude. On peut même dire que vous faites preuve d'une constance admirable dans l'échec : un tel défilé de professeurs c'est absolument incroyable ! Certains étaient pourtant extrêmement compétents, formant sans doute un insupportable contraste avec l'affligeante pauvreté intellectuelle de l'équipe " très à la mode " qui vous adule [l'ensemble des enseignantes, à l'exception de la famille directeur, impeccablement « humble », portait plus de vêtements et de voiles multicolores sur le dos que le grand marché aux vêtements de la vieille ville du Caire]. N'avais-je pas été assez clair lorsque je vous avais prévenu que tant que je n'aurais pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste ? Pensez-vous vraiment pouvoir traiter tout le monde comme vous traitez vos employés égyptiens ? Le mépris dans lequel vous tenez ces pauvres gens, vos concitoyens et coreligionnaires, votre humiliante arrogance, l'exploitation honteuse que vous faites de la misère qui vous entoure me remplissaient de honte à chaque fois que j'en étais le témoin. Vous vous érigez en directeur de conscience et croyiez pouvoir nous faire subir ce que vous infligez à vos esclaves ? Je vous avais pourtant prévenu : tant que je n'aurai pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. Vous prétendiez me faire rester après 15 heures ? Pourquoi ? Mes grilles étaient remplies autant que je pouvais le faire et il me restait encore deux jours, la semaine suivante, pour compléter ce qui manquait. Tout fut d'ailleurs rempli dès lundi matin, juste après avoir fait passer l'examen de compréhension orale. Il vous fallait trouver n'importe quelle raison, pour me faire rester, tout simplement parce que vous l'aviez décidé. Quelle maladresse ! Celui qui se soumet aux hommes s'est auparavant soumis aux choses et je n'ai d'autre maître que celui qui nous jugera tous bientôt. Et le dimanche suivant : vous nous faites attendre, comme d'habitude, une demi-heure (n'est-ce pas vous qui chantiez les vertus de la ponctualité et fustigiez les retardataires ? nous autres, professeurs, devons vous attendre ? mais pour qui vous prenez-vous ?) pour une réunion inutile d'une demi-heure (une note, comme vous nous en faites signer tant, aurait amplement suffit), la ficelle était un peu grosse. C'était un moyen plus sûr de nous faire rester ? Y avez-vous pris du plaisir ? Je n'ai jamais dans un même lieu observé un tel mélange d'hypocrisie, de mesquinerie, d'obscurantisme, une telle bassesse morale mêlée de simulacres religieux, une telle concentration de flagornerie devant autant d'autosuffisance. Rien n'est si contagieux que l'exemple, et nous ne faisons jamais de grands biens, ni de grands maux, qui ne produisent infailliblement leurs pareils. Comment s'étonner donc que certains élèves acquièrent, dès leur jeune âge, tous les vices des adultes ? Non, c'est clair, je ne corresponds pas à l'esprit de cette école.

Je suis de plus fatigué de devoir sans cesse pallier l'incompétence et les retards de l'équipe médico-télévisuelle aux commandes de l'établissement [sa femme, promue directrice pédagogique, est une pauvre infirmière de Lille impeccablement convertie ; nous avions aussi une présentatrice ainsi que l'animateur d'une émission d'une grande chaîne égyptienne]. Sisyphe, ou les Danaïdes toutes ensembles, s'y seraient épuisés. Mais tout ce que j'attendais c'était le respect, sinon de mon travail, du moins de ma personne et je vous avais prévenu : tant que je n'aurai pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste. L'exemple de mes collègues à qui vous avez annoncé leur licenciement rétroactif était, s'il en était besoin, une preuve supplémentaire de votre cécité intellectuelle, morale et professionnelle [à la fin du mois, il annonce à des professeurs qu'ils sont licenciés depuis le début du mois, ce qui évite de leur verser leur salaire]. Vous avez tenté de jouer avec moi. Vous avez perdu. J'ai signé avec vous un contrat sans valeur légale, pour un poste (professeur de PPCS) que je n'occupe même pas, ma période d'essai n'est pas encore terminée, rien ne me lie donc à vous que ma propre volonté. J'ai le plaisir de vous annoncer que c'est terminé, voilà, je vous ai quitté, vous n'avez plus rien à me dire. Ne tentez pas de m'appeler, je ne suis plus en Egypte et mon mail détruira systématiquement tout message venant de votre part. Je vous laisse me voler les 9 jours de salaire du mois de février qui me reviennent, ma démission prenant effet ce mercredi 9 février 2005 à 15h, mais je dois avouer que, de mon côté, j'ai pris du plaisir à voir que vous pensiez si naïvement nous voler la moitié de notre salaire de janvier en ne nous la payant qu'à notre retour de vacances. Il me suffisait seulement de revenir, d'encaisser mon dû, puis de claquer la porte !

Je ne vous salue pas Monsieur et j'espère ne plus jamais vous revoir,

DT

13 décembre 2011 23h32

Djabali

14 décembre 2011 00h36

Pépé le Moko
Belle plume.
On sent :
- Que la situation te pesait
- Que tu y as mis du coeur
- et que ça devait être jouissif de vider ton sac.

J'aime particulièrement la ponctuation par le tant que je n'aurai pas de problèmes, je ne quitterai pas mon poste
Ça me fait penser au A la fin de l'envoi, je touche de Cyrano

14 décembre 2011 00h46
modifiée
14 décembre 2011 00h47

Djabali
c'était en fait le "ce n'est pas ma faute" des liaisons dangereuses ... mais j'aime bien Cyrano aussi ! C'est là où l'on voit que les influences conscientes et inconscientes se mêlent ...

14 décembre 2011 06h53

Freedom
Respect...

14 décembre 2011 07h30

jamydefix
Bravo
Il lui faudrait d'autres gens comme toi, pour peut être comprendre quelque chose a la vie et apprendre à respecter les autres.

14 décembre 2011 13h38

Djabali
bientôt je vous proposerai la lecture du courrier envoyé en réponse aux accusations de ma coordinatrice (moins venimeux dans la forme, quand même)

14 décembre 2011 22h09

Djabali
si j'allais à l'essentiel, ça donnerait quelque chose comme : je pisse sur ta putain de mère, va niker ta race, bâtard fils de chien...

15 décembre 2011 02h27

jamydefix
Pas mal non plus
La plume ou le fouet.
Ça dépend seulement du bestiaux à qui on s'adresse.

16 décembre 2011 11h20

Djabali
les pneux c'est le PS ...

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