31 mai 2012 18h08

Segel
Que pensez vous de la fin du travail ?

Rifkin (Jeremy). - La fin du travail.
Traduit de l'américain par Pierre Rouve, préface de Michel Rocard, suivi d'une postface et d'un choix de textes de Alain Caillé.
Paris, La Découverte (La Découverte/ Poche, 34. Essais), 1997, 460 p., 75 FF.

Le livre de J. Rifkin s'intitule froidement La fin du travail. L'argumentation, dans sa radicalité, consiste à soutenir que ce qui est en cause dans la crise que nous traversons aujourd'hui n'est ni le salariat (nous en aurions sim plement fini avec cette forme particulière qu'a revêtu le travail depuis deux siècles) ni l'emploi (nous aurions à faire face à des dysfonctionnements de la r égulation de l'emploi ou à une inadéquation des statuts d'emploi à la nouvelle donne mondiale), mais bien le travail lui-même : nos sociétés post-industrialisées - mais aussi les pays dits en voie de développement - n'auront bientôt plus besoin de travail, et pourront continuer à produire toujours plus avec toujours moins de travail.

Celui-ci ne va cependant pas totalement disparaître mais bien plutôt se concentrer dans quelques secteurs et quelques fonctions (en particulier dans ce que Rifkin appelle le secteur de la connaissance) et dès lors être exercé par un nombre restreint de personnes : une petite élite d'entrepreneurs, de scientifiques, de professeurs, de consultants, de «manipulateurs de symboles».

Le postulat de base de Rifkin est que nous entrons dans un âge nouveau (un «troisième âge»), celui de l'information, et que la révolution scientifique et technique que nous traversons met un terme définitif au processus auquel s'accrochent encore pourtant désespérément économistes et hommes politiques, selon lequel les emplois détruits dans un secteur sont remplacés par de nouveaux postes de travail dans de nouveaux secteurs (le déversement). C'en est fini dece processus, affirme Rifkin, en accumulant des exemples empruntés au passé (la fin des agriculteurs, la disparition des cols bleus) et au présent (« le dernier travailleur des services»).
Certes, le secteur des services a absorbé, depuis quarante ans, une partie de la main- d'œuvre perdue dans les deux premiers secteurs, mais cela est aujourd'hui terminé : banques, téléphonie, assurance, commerce se préparent à rejeter sur le marché du travail des millions de personnes.
Dès aujourd'hui toute une partie de la « classe laborieuse » est fragilisée : à travers le développement du temps partiel et des postes à très bas salaires dans les industries de services, c'est l'ensemble de la middle class américaine qui est touché par le mouvement général de reengineering.
La classe travailleuse est actuellement éclatée entre stress et surtravail d'un côté, bas salaires et chômage de l'autre. C'est donc l'ordre social que fondait le travail qui est entièrement remis en cause : si rien n'est fait, le fossé se creu sera entre une petite élite influente et la masse croissante de travailleurs pauvres et de chômeurs.
Une minorité concentrera entre ses mains travail, revenus et pouvoirs, pendant que le reste de la population, exclu de tout, tentera de s'emparer par la force de ce que le système ne lui donnera plus «naturellement».
Dès lors, pour éviter que la disparition du travail n'ouvre une ère de violence (Rifkin s'attarde sur la corrélation entre chômage et criminalité, montrant comment les villes changent de visage et comment de petites communautés de privilégiés s'enferment désormais dans des forteresses privées protégées du reste du monde), deux mesures doivent être prises immédiatement, écrit Rifkin : le partage radical du travail existant (dans plusieurs articles il cite le chiffre de 30 heures par semaine) et - parce que cela ne suffira pas - la création d'un «troisième secteur», convivial, communautaire, débarrassé des logiques de l'économie marchande et préfigurant la société de demain.
Il faut évidemment s'attarder sur cette dernière proposition, qui est à la fois la partie la moins commentée de l'ouvrage de Rifkin (on s'arrête en général à la thèse de la fin du travail), et celle qui a suscité l'enthousiasme de son préfacier (l'ancien Premier Ministre M. Rocard) et de tous ceux qui prônent le développement d'une économie solidaire, moins dominée par le marché.
C'est d'ailleurs l'« économie sociale», telle que théorisée par des Français, qui constitue le modèle du tiers secteur de Rifkin.
Toute la question est évidemment de savoir si ce troisième secteur pourra vraiment être le lieu à partir duquel reconstruire une nouvelle société, moins obsédée par le travail et par l'argent, ou s'il ne risque pas d'être une nouvelle ruse du capitalisme, dont le développe ment semble en effet aujourd'hui nécessiter la mise en place d'un secteur spécialisé dans l'accueil des perdants de la course à la compétitivité, des «handicapés sociaux» incapables de soutenir le train d'enfer que leur fait aujourd'hui subir la guerre économique mondiale.
Rifkin est extrêmement ambigu sur cette question et l'on a malheureusement bien l'impression qu'il milite simplement pour la mise en place d'un secteur réservé ou, pour le dire plus clairement, « protégé », dont la véritable raison d'être sera d'occuper les individus, de justifier le versement d'un revenu minimum et de décharger l'État des tâches qu'il assume encore en matière d'aide sociale.
C'est donc bien plus pour la contribution qu'il apporte au débat sur le tiers secteur que pour sa peu convaincante « démonstration » de la fin du travail (thèse dont l'intérêt est surtout heuristique) que l'ouvrage de Rifkin mérite, me semble-t-il, d'être analysé et commenté.
Dominique Méda dares - Ministère de l'Emploi et de la Solidarité 613

31 mai 2012 18h30
modifiée
31 mai 2012 18h36

Arsène Lupin
Je ne sais pas, car s'il n'y a plus beaucoup de travail pour l'instant, il peut repartir après un évènement destructeur avec de nouvelles technologies plus sophistiqués et moins monde pour le réaliser.
Aujourd'hui, on devrait prendre notre retraite plus jeune et diminuer le temps de travail.
Mais, ils veulent le contraire.
C'est ça que je ne comprends pas (?)

La voix sur TF1 a dit qu'il fallait travailler plus pour gagner moins.
Quel qu'il en soit, il faut occuper les gens et leur donner de quoi vivre.

31 mai 2012 18h35
modifiée
31 mai 2012 18h37

Segel
il milite simplement pour la mise en place d'un secteur réservé ou, pour le dire plus clairement, « protégé », dont la véritable raison d'être sera d'occuper les individus, de justifier le versement d'un revenu minimum
Arsène tu penses comme Rifkin finalement.

Mais, ils veulent le contraire.
C'est ça que je ne comprends pas (?)

Peut-être parce que certains refusent de revoir le partage du gateau ?

31 mai 2012 18h41
modifiée
31 mai 2012 18h53

Arsène Lupin
C'est ce que font nos fonctionnaires.
Certains font même des tâches qui ne servent à rien.
Pour moi, mais je sais que tu ne seras pas d'accord, il faut surtout des emplois de production pour payer les improductifs.
Pour en finir avec les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles, les guerres, l'intolérance, l'égoïsme et l'ancien régime avec ses privilégiés, ses inégalités, ses injustices, son obscurantisme et son féodalisme, Saint-Simon propose un changement de société. Il préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d'administrer la France le plus économiquement possible, afin d'en faire un pays prospère, où règneraient l'esprit d'entreprise, l'intérêt général et le bien commun, la liberté, l'égalité et la paix.http://fr.wikipedia.org/wiki...

31 mai 2012 18h43

Segel
Pour moi, mais je sais que tu ne seras pas d'accord, il faut des emplois de production pour payer les improductifs.

En faisant ça tu créée un déséquilibre, source de stigmatisation et à long terme de violence.
Les "travailleux" ne voudront pas soutenir les "assistés", et pourtant il le faudra bien.
Je ne vois pas d'autre chemin viable que le partage du travail.

31 mai 2012 18h48
modifiée
31 mai 2012 18h54

Arsène Lupin
La fin du travail avec la fin des guerres.

Tu as raison, c'est devenu possible.

D'après certains penseurs, on va encore continuer comme ça 10 ou 20 ans avant la rupture de ce modèle de civilisation.

31 mai 2012 20h01

lurette
je pense moi aussi, qu'il ne peut y avoir à terme que la solution du partage du travail ; avec les progrès techniques, moins de personnel industriel, agricole, etc.., et jamais il n' aura assez de production pour absorber le chômage ; la masse de nouveaux emplois créés par cette automatisation n'étant en aucun cas équivalente à celle perdue;et l'écart ne fera que s'agrandir.
Mais je ne sais pas si les gens sont prêts à accepter cet état de fait, ni même à l'envisager. pourtant, si ça continue comme ça, on va arriver à un scénario de science-fiction à la Coruscant.

31 mai 2012 20h47
modifiée
31 mai 2012 20h49

Arsène Lupin
Qu'en penseraient les Chinois de la fin du travail ?

Vidéo YouTube
Un petit conte pour toi :
Vidéo YouTube

31 mai 2012 20h49

lurette
je ne sais pas si un chinois peut même imaginer, ce que c'est une vie sans trimer

1er juin 2012 10h02

Segel
La Chine est LE réservoir de croissance mondiale.
Mais ils n'accepterons pas de la partager avec nous, et c'est bien normal.
Qu'il y'ait encore beaucoup de choses à produire pour amener la Chine à notre niveau de vie, je n'en doute pas, mais est-ce réellement souhaitable ?

Cela pose le problème du climat, de la compétition pour le pétrole, de la pollution.
L'empreinte écologique de l'humanité est de 1,5 globalement, ce qui signifie que la Terre n'encaisse que les 2/3 de ce que nous produisons globalement.
Evidemment, ces considérations, prises par pays, sont faussées par le fait que les USA font tout fabriquer en Chine par exemple.
Mais si on considère les choses globalement, les chiffres sont là.

Les chinois n'auront pas une voiture par famille, c'est clair.

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